Maurice Le Mounier

Michel Jacquet

Quand se dissipent les dernières vapeurs de la nuit, frileuses, déchirées par le souffle glacé, les lueurs de l’aube jettent sur le monde cet éclairage cru, dépouillé d’artifices, où la vérité des tons et des nuances n’apparaît qu’aux âmes habituées par le rêve.

Alors, lentement, la couleur submerge en vagues successives, touches légères issues du plus secret de l’univers, affirmations éclatantes très tôt effacées, élaborations complexes aussitôt renversées. Ondes glissées au rythme des flux et reflux, les unes s’ajoutant aux autres, pour s’élever en marée où naît, enfin étale mais précaire, l’harmonie, réelle finalité de la lente symphonie offerte sur la scène matinale.

C’est au gré d’un pas aventureux, au long des rivages déchiquetés de quelque île grecque demeurée intacte dans son mystère, que l’artiste a retrouvé ces perceptions subtiles essentielles à sa création. Bien éloignées pourtant des horizons de sa natale Bretagne mais si proches par la puissance de l’émotion qu’elles génèrent.

Santorin est un de ces lieux mythiques, berceaux d’une histoire que les poètes poursuivent sans fin au fil de leur plume ou de leur brosse. Un lieu devenu sanctuaire d’émotions intenses. Terre inculte, battue par les vents, désertée des vivants pour mieux appartenir à son passé.

Michel Jacquet


Henri Raynal

Une peinture de l’émerveillement, généreuse - emplissant le regard -, chaleureuse et en même temps sereine, c’est plutôt rare en cette fin de siècle ! Elle va jusqu’au bout de la sensation, éprouvée devant la nature, prolongée dans le champ des couleurs. Champ est le mot adéquat car à chacune sont proposées pour qu’elle s’y déploie continûment de vastes étendues. Jusqu’aux tons rares, à qui la largesse des espaces donne une respiration ample qui contraste avec ce qu’ils ont d’exquis.

Henri Raynal


Martin Gray

Sincérité d’abord

L’œuvre traduit ostensiblement certains traits essentiels du caractère de son auteur : l’émotion non feinte et la véritable approche poétique. Sans doute parce qu’il peint comme il vit, Maurice Le Mounier crée une peinture vraie, accessible et chaude. Une peinture qui touche parce qu’elle utilise des expressions tirées du quotidien mais sublimées par une démarche artistique soucieuse de faire partager au plus grand nombre des émotions simples, presque pures. Sans doute, Maurice Le Mounier doit-il immensément aimer le monde, la vie et ses contemporains pour placer autant de vérité et d’émotion dans sa création.

Certains mots brûlent les lèvres et trouvent rarement leur place dans les commentaires d’œuvres picturales, des mots comme amour, délicatesse, générosité. Il est juste pourtant de rendre à l’auteur ce qui lui appartient, et devrait-il en rougir, de lui adresser en modeste hommage le remerciement de ceux qui, après mille morts, attendent de la vie, de l’espoir, de la joie, de l’amour.

Martin Gray


Elisabeth Andres

Maurice Le Mounier nous invite à la découverte d’espaces silencieux et toniques. Il ne nous confronte pas à des œuvres foisonnantes et éclectiques, mais à des thèmes denses, d’une grande force sensible explosant de vie, traversés de transparences. Il nous révèle les choses, les impressions avec une évidence qui les grave au cœur, les montrant sans anecdote, ouvertes et lisibles au nu de l’être. Il nous donne à goûter des saveurs essentielles.

Tous les sens sont en effet saisis d’une émotion première. Ses œuvres comblent le goût autant que l’œil, et la matière requiert le tact, associe l’odorat par l’intensité même des impulsions offertes, suscitant une sorte de saturation du sensible.

La forme n’est pas absente, mais suggérée, ténue, plus repérable par la qualité, l’importance d’une présence que par une figuration explicite. Et l’on peut dire que Le Mounier est hyperréaliste du sens pour faire éprouver les qualités de ce dont il rend compte, non pour les donner à voir dans les détails extérieurs. Les tableaux donnent à vivre une expérience, nous y plongent avec une gravité tranquille qui absorbe, repose, enrichit, et laisse heureux.

Elisabeth ANDRES


Maurice J. Estrade

Brasure  L’insistance des formes à se soumettre au rythme d’un équilibre précaire qui se cherche et qui ne parviendra jamais à une consolidation totale, à une obturation où dorénavant plus rien ne bouge, un destin scellé à jamais dans l’immobilité, un destin sans destin, une vie éteinte soumise à la reproduction du pareil, alors que malgré l’imbrication de tout dans tout, cet équilibre, paradoxalement, émane de ce mouvement de fond, de cette mouvance en arêtes vives, de ce chaos potentiel toujours contenu in extremis qui laisse pulser les grandes orgues d’une vie vivante. Maurice Le Mounier, est de ceux, dans sa vision eurythmique, qui adhère à cette poussée permanente, à cette montée en présence qui s’évase en des aplats lissés, se plisse en levées d’horizons porteurs pour chacun d’eux d’un univers entier, attirant le regard vers des lointains de cristal.

Chaque parcelle de couleur encastrée parmi d’autres offre une vision simultanée du tout proche et du très lointain. A la fois une sensation charnelle d’une matière palpable, épaisse et fluide qui projette le corps dans une immanence sensorielle, et d’autre part, des surcroîts de clarté, des hauts lieux solitaires de cimes et de confins irréductibles qui sont autant de réceptacles vertigineux d’une révélation ressentie en son tréfonds. Aux crêtes luminescentes, aux nervures emblavées de lumière répondent les surplis d’un linge printanier, la fragrance voilée d’un pur espace cloisonné de saisons. La terre en son séjour incertain délimite l’espace-temps mais par ses couleurs révélées en dévoile aussi l’immobile lointain où gronde le silence... Le fruit comme éclosion de tous les accords d’une sourde symphonie.

L ‘Artiste, soucieux de perfection, porte une extrême attention à ses élans créatifs en cherchant à traduire au plus près son inspiration par un rendu de la matière sur sa toile qui interagit avec sa vision du départ au point d’inverser l’action où le mouvement créatif prend le pas sur la gestuelle de l’artiste : il se crée en créant par une action qui le dépasse. Ca peint à travers lui et non de lui, d’où une résonance, un lâcher ailé rejoignant un langage ancestral en sa lointaine éruption. Certes, la maîtrise d’une technique y est nécessaire pour atteindre la sonorité du monde. L’utilisation de l’huile est une condition absolue pour produire cet effet d’épaisseur, de volume, de relief luisant, de lissage transparent, de jus coulés, de superpositions de couches qui ajoutent de la profondeur, de l’espace et du temps. Ainsi de travailler les couleurs dans leur brillance, leur matité, leur limpidité où chaque enclos participe dans un brasillement de lumière à cet allant de plain pied du proche et du lointain, à ce va et vient de cet insolite familier, à ce déjà là depuis la profondeur d’une absence.

Maurice Le Mounier a toujours peint depuis sa prime jeunesse en étant inspiré au départ par des peintres comme Olivier Debré, Nicolas de Staël... pour se parfaire progressivement dans son style propre . Depuis une vingtaine d’années est présent dans des manifestations d’art et des expositions personnelles. Originaire de la Bretagne, il vit et travaille dans la région parisienne où il a son atelier. Peintre d’abord, mais aussi céramiste, la forme dans ses deux ou trois dimensions l’inspire avec une égale ferveur. Pour ceux intéressés par son art peuvent toujours accéder à son site : www.lemounier.info.

La dualité, l’opposition des formes impose sa cadence, son rythme de dissonance à partir duquel survient éventuellement un équilibre éphémère, fragile, laissant poindre une assonance, une douce harmonie dans l’instant d’un saisissement fugace que l’Artiste, aux aguets des hauts accords de parois en échos, d’une alliance absolue, trouve un dehors sans limites, la vibration d’un pur commencement. MJ Estrade